Une pétition relance le bras de fer autour des ZFE, le grand duel air pur contre voitures polluantes
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Une pétition relance le bras de fer autour des ZFE, le grand duel air pur contre voitures polluantes

Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) n’ont pas dit leur dernier mot. Alors même que l’Assemblée nationale a voté en juin la suppression de ces zones anti-pollution, une pétition citoyenne relance le bras de fer autour des ZFE. D’un côté, de nombreux automobilistes en colère et certains élus fustigent un dispositif jugé injuste socialement. De l’autre, des défenseurs de l’air pur (experts de la qualité de l’air, collectivités locales et citoyens inquiets pour la santé publique) se mobilisent pour sauver ces zones protégées. Résultat : le débat fait rage à nouveau en plein été, et le sort des ZFE est plus incertain que jamais.

Un panneau signalant l’entrée dans une Zone à Faibles Émissions (ZFE) rappelle les restrictions de circulation selon les vignettes Crit’Air, symbole des tensions entre impératifs écologiques et préoccupations des automobilistes.

Un dispositif contesté entre climat et social

Qu’est-ce qu’une ZFE ? Instaurées par la loi Climat et Résilience de 2021, les ZFE sont des périmètres urbains dans lesquels les véhicules les plus polluants sont interdits de circulation en fonction de leur vignette Crit’Air, afin d’améliorer la qualité de l’air en ville.

L’intention environnementale est louable, car la pollution atmosphérique provoque chaque année près de 40 000 décès prématurés en France.

Cependant, dès le départ le dispositif a suscité de vives critiques. Beaucoup reprochent aux ZFE de créer des injustices sociales en excluant des centres-villes les ménages modestes qui n’ont pas les moyens de changer de voiture pour un modèle récent et propre.

En clair, le ZFE est devenu un casse-tête : protéger nos poumons, oui, mais sans pénaliser les plus précaires. Cette opposition entre impératif sanitaire et réalité sociale a fait des ZFE l’un des sujets les plus clivants dans les grandes agglomérations françaises ces dernières années.

Un vote choc à l’Assemblée nationale

Face à la grogne montante des automobilistes, souvent amplifiée par des associations telles que 40 millions d’automobilistes, le débat s’est invité au Parlement. Le 17 juin 2025, l’Assemblée nationale a créé la surprise en votant à la majorité la suppression pure et simple des ZFE dans le cadre d’un projet de loi de « simplification de la vie économique ». Ce vote a été accueilli comme une victoire par les détracteurs du dispositif, qui n’hésitaient pas à parler de « séparatisme territorial » à propos des ZFE ou de « mesure la plus injuste qui soit » pour les classes populaires. À l’inverse, le gouvernement et les écologistes ont exprimé leur inquiétude, dénonçant un recul dangereux en matière de santé publique. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a fustigé le « cynisme » et la « démagogie » de ce vote, rappelant qu’il s’agit avant tout de protéger des vies humaines.

Pour autant, ce coup de théâtre législatif reste à relativiser. Supprimer les ZFE ne se fait pas d’un claquement de doigts. Le vote de l’Assemblée n’est qu’une étape du parcours législatif, et non l’application immédiate de la mesure. Le texte doit encore être validé par le Sénat puis harmonisé en commission mixte paritaire (instance de 7 députés et 7 sénateurs) à la fin du mois de septembre. Il pourra ensuite, le cas échéant, faire l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. En clair, tant que la loi n’est pas promulguée, les ZFE sont toujours en place, et votre vignette Crit’Air reste obligatoire pour circuler dans les 42 agglomérations concernées, sous peine d’amende.

Plusieurs grandes villes ont d’ailleurs annoncé qu’elles continueraient d’appliquer localement les restrictions si la loi nationale entérinait la suppression : c’est le cas par exemple de Marseille, qui a évoqué sa propre « ZFE à la marseillaise » maintenue quoi qu’il arrive. Autant dire que le flou règne, et que l’espoir de certains de pouvoir retirer la pastille Crit’Air du pare-brise devra attendre encore un peu…

Une pétition citoyenne relance les ZFE

C’est dans ce contexte de grande incertitude qu’une nouvelle pétition en ligne est venue rebattre les cartes. Mise en ligne le 21 juillet 2025 sur le site de l’Assemblée nationale, elle s’intitule « Pour le maintien des Zones à Faibles Émissions : Droit à l’air pur ».

Son auteur, Paul Walther, un citoyen engagé dans la lutte pour la qualité de l’air, y plaide ardemment en faveur du dispositif ZFE. Il rappelle que les ZFE ont prouvé leur efficacité« à Paris, Grenoble ou Lyon, les premières données montraient une baisse significative de la pollution de l’air aux abords des zones concernées », souligne-t-il. Il dénonce aussi le recul regrettable que représenterait l’abandon des ZFE, martelant que « la pollution de l’air n’est pas un concept abstrait : c’est un tueur silencieux » responsable de milliers de morts chaque année. Le texte de la pétition adopte un ton solennel et alarmant : « Face à l’urgence climatique et à la pollution de l’air qui continue de tuer prématurément des milliers de personnes chaque année en France, les ZFE ne sont pas une option idéologique : ce sont une nécessité sanitaire, écologique et sociale (…) Ensemble, demandons que notre santé soit protégée ! ». Le message est clair : supprimer les ZFE serait une grave erreur aux yeux de ses signataires, car il en va de la santé de tous et du climat.

Bras de fer : deux camps, deux pétitions

Cette nouvelle mobilisation citoyenne pro-ZFE vient répondre du tac au tac à la fronde anti-ZFE menée ces derniers mois. En effet, ce n’est pas la première pétition sur le sujet. Dès mars 2025, l’association 40 millions d’automobilistes, farouche opposante aux zones à faibles émissions, avait lancé sa propre pétition pour exiger l’abrogation des ZFE. Cette initiative avait rencontré un vif succès : plus de 60 000 signatures recueillies en quelques semaines, témoignant d’un réel ras-le-bol d’une partie des conducteurs. Ce premier appel avait d’ailleurs contribué à remettre le sujet sur la table et à faire pression sur les élus, certains parlementaires s’empressant de relayer la grogne des automobilistes au Palais Bourbon. La pétition de 40 millions d’automobilistes pointait du doigt des conséquences jugées inacceptables : exclusion de plus de 10 millions d’automobilistes ne pouvant plus accéder aux grandes villes parce qu’ayant des voitures anciennes, impact économique pour les commerçants en centre-ville, ou encore absence d’alternatives suffisantes en transports en commun pour les habitants périurbains. En somme, un véritable « ras-le-bol » de la vignette Crit’Air et de ce qu’elle symbolise pour de nombreux Français exclus de la mobilité urbaine.

Face à ce tollé, la contre-attaque des défenseurs des ZFE était inévitable. La pétition de Paul Walther en faveur du maintien des zones anti-pollution se présente donc comme la riposte directe des citoyens soucieux de ne pas « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Certes, pour l’instant cette pétition pro-ZFE en est à ses débuts timides : elle n’affichait que quelques dizaines de signatures dans les premiers jours suivant sa mise en ligne, très loin du seuil des 100 000 signatures requis pour être officiellement examinée par le Parlement. Mais son lancement hautement symbolique montre que le combat est loin d’être fini.

Deux camps se font désormais face, pétitions à l’appui, dans un bras de fer inédit autour de la politique environnementale et sociale des transports. D’un côté, la fronde des automobilistes qui refusent une écologie punitive qu’ils estiment injuste. De l’autre, la mobilisation pour un air plus sain, qui refuse que les considérations électoralistes ou les difficultés de mise en œuvre viennent anéantir des progrès sanitaires jugés indispensables.

Des enjeux sanitaires et financiers colossaux

Pourquoi le dossier ZFE cristallise-t-il autant les tensions ? C’est que les enjeux sont énormes, à la fois en termes de santé publique, d’environnement, mais aussi d’argent.

Sur le plan sanitaire, les chiffres font froid dans le dos : en France, la pollution aux particules fines causerait environ 48 000 décès prématurés chaque année selon Santé publique France. Dans des métropoles comme Lyon, on estime que la pollution de l’air réduit l’espérance de vie de plus d’un an dans les zones les plus exposées. Renoncer aux ZFE, c’est prendre le risque d’aggraver ces statistiques déjà dramatiques. Pour les défenseurs du dispositif, les ZFE sont un outil de santé publique avant d’être une contrainte administrative : c’est un moyen de préserver nos poumons, surtout ceux des plus fragiles (enfants, personnes âgées, asthmatiques…), face à un « tueur silencieux » qu’on ne voit pas mais qui fait des ravages dans nos villes.

Sur le plan environnemental, rappelons que la France s’est engagée au niveau européen à améliorer la qualité de l’air. La création des ZFE dans 42 agglomérations d’ici fin 2025 faisait partie de la feuille de route imposée et financée par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance post-Covid. Or, supprimer les ZFE pourrait coûter très cher à la France : on parle de plus de 3,3 milliards d’euros d’aides européennes qui pourraient être retenues par Bruxelles si le pays ne respecte pas ses engagements climatiques. Pire, il faudrait peut-être rembourser une partie des subventions déjà versées : jusqu’à 1 milliard d’euros pourraient être réclamés en retour, d’après une note du ministère des Finances. Au total, c’est une facture potentielle de plus de 4 milliards d’euros que l’État risquerait en enterrant les ZFE du jour au lendemain. Un comble, quand on sait que ces fonds étaient destinés à accompagner la transition écologique et à aider justement les ménages à changer de véhicule ! Pas étonnant, dans ces conditions, que le gouvernement tire la sonnette d’alarme sur les conséquences d’une suppression brutale des ZFE. Le ministère de la Transition écologique a d’ailleurs indiqué qu’il chercherait à négocier avec la Commission européenne pour sauver ces financements si jamais la suppression des ZFE devenait effective. Autant dire que le dossier dépasse largement la simple question des vignettes Crit’Air collées sur nos pare-brise : il touche à des engagements internationaux de la France et à des politiques de long terme pour la planète.

Quel avenir pour les ZFE ?

Au milieu de ce tourbillon, les habitants et travailleurs des grandes villes, ceux qui respirent l’air pollué au quotidien, observent la suite des événements avec anxiété. La pétition citoyenne pour le maintien des ZFE réussira-t-elle à infléchir la décision des élus ? Récolter 100 000 signatures en quelques semaines est un défi ambitieux, mais pas impossible si la prise de conscience écologique s’en mêle. En tout cas, ce sursaut citoyen offre une voix aux médecins, parents et citadins qui refusent de voir sacrifier la qualité de l’air sur l’autel des calculs politiques.

Le bras de fer va se jouer à la rentrée : la commission mixte paritaire du 30 septembre 2025 devra trancher entre maintien, aménagement ou suppression définitive des ZFE. D’ici là, chacun fourbit ses armes. Les partisans d’une écologie pragmatique plaident pour des ZFE 2.0 : des zones à faibles émissions conservées mais mieux adaptées socialement, avec des dérogations pour les plus modestes et un déploiement plus progressif. C’est par exemple la voie choisie par Lyon : son président de métropole Bruno Bernard refuse de « céder à la facilité » en supprimant la ZFE, mais a annoncé des assouplissements ciblés pour permettre aux foyers modestes en Crit’Air 3 de continuer à rouler, le temps de s’adapter. Cette approche conciliatrice vise à réconcilier écologie et justice sociale, en maintenant le cap sur l’amélioration de la qualité de l’air tout en tenant compte des réalités économiques. D’autres villes pourraient s’en inspirer si les ZFE obtenaient un sursis.

En revanche, si la suppression nationale des ZFE était confirmée, on peut s’attendre à un paysage très hétérogène : certaines métropoles abandonneraient complètement le dispositif, tandis que d’autres maintiendraient leur propre ZFE locale via des arrêtés municipaux ou préfectoraux. Le risque d’une France à plusieurs vitesses est réel, avec des villes « vertueuses » et d’autres redevenues zones franches pour les vieilles voitures diesel. Une chose est sûre : le feuilleton des ZFE est loin d’être terminé. Entre actions citoyennes, tractations européennes, et décisions politiques à venir, l’avenir de ces zones à faibles émissions reste en suspens. Automobilistes, habitants, travailleurs… tous ceux qui vivent ou circulent dans les ZFE devront encore patienter avant d’être fixés sur les règles du jeu pour les années à venir. Ce qui se joue ici dépasse la simple question de pouvoir rouler en vieille voiture en centre-ville : c’est un choix de société entre la facilité à court terme et la responsabilité écologique à long terme. Le bras de fer continue, et il pourrait bien redéfinir la mobilité urbaine de demain.




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