Une réforme des jours fériés pour booster l'économie
Le projet de suppression de 2 jours fériés consiste, comme son nom l’indique, à retirer deux jours actuellement chômés du calendrier national. L’objectif affiché par l’exécutif : augmenter le nombre de jours travaillés dans l’année, en particulier dans les services publics et certaines branches économiques stratégiques, pour stimuler la croissance et réduire un déficit public estimé à 5,8 % du PIB en 2025.
L’exécutif s’appuie sur des estimations de gains économiques potentiels de 4 à 5 milliards d’euros par an, en lien avec l’augmentation de la productivité. Mais dans les faits, cette réforme s’annonce tout sauf consensuelle.
Le gouvernement Bayrou en première ligne
C’est François Bayrou, Premier ministre depuis 2024, qui porte le projet avec le soutien d’une partie de la majorité présidentielle. L’annonce a été faite discrètement, avant d’être confirmée dans une interview donnée à plusieurs médias européens. Il affirme vouloir “faire preuve de courage et de lucidité” pour redresser les comptes publics “sans augmenter les impôts”, une musique bien connue, mais toujours aussi clivante.
Du côté des syndicats, le rejet est unanime. La CFDT parle de “provocation inutile”, la CGT dénonce une “attaque frontale contre les droits des travailleurs” et la CFE-CGC évoque une “mesure déconnectée des réalités sociales”. Quant à l’opposition, elle prépare déjà une motion de censure, soutenue par plusieurs groupes de gauche et de droite.
Une réforme aux effets nationaux mais aux impacts locaux
Le projet concernerait l’ensemble du territoire français, y compris les DOM-TOM. Mais ses répercussions pourraient varier selon les secteurs d’activité et les collectivités locales. Par exemple, dans le secteur du tourisme, très dépendant des jours fériés, les acteurs alertent déjà sur un “manque à gagner” important. Les collectivités rurales, où les fêtes locales coïncident souvent avec les jours fériés, craignent aussi des retombées négatives sur la vie sociale.
À noter que certains territoires ultramarins disposent déjà de jours fériés spécifiques (comme l’abolition de l’esclavage), protégés par le droit local. Leur suppression ne serait donc pas automatique, mais pourrait créer un flou juridique.
Une application dès 2026 ?
Le gouvernement envisagerait une mise en œuvre dès 2026, sous réserve d’une adoption du projet de loi à l’automne 2025. Pour l’instant, aucune date précise n’a été fixée pour le vote, mais l’exécutif souhaite aller vite, avant que la rentrée sociale ne s’enflamme. Les deux jours visés n’ont pas encore été officiellement annoncés, mais selon plusieurs sources (notamment BFMTV), il pourrait s’agir du 8 mai et du Lundi de Pentecôte, deux jours souvent considérés comme symboliques, mais moins "sensibles" que le 14 juillet ou le 1er mai.
Suppression ou transformation des jours fériés ?
La suppression envisagée ne serait pas forcément un "retrait sec". Le gouvernement étudie aussi la possibilité de transformer les jours fériés en journées de solidarité ou de travail optionnel, comme c’est déjà le cas avec le Lundi de Pentecôte depuis 2004. Cette piste serait plus souple et politiquement moins risquée. Elle permettrait notamment aux entreprises d’adapter leur organisation, mais poserait des questions d’équité salariale et de conventions collectives.
Par ailleurs, le gouvernement pourrait compenser partiellement en valorisant d’autres congés ou en offrant une journée de citoyenneté dédiée au bénévolat ou à la vie associative. Une idée qui fait doucement sourire les syndicats.
Un enjeu de milliards d’euros et de confiance
Derrière cette réforme se cache une équation budgétaire serrée. Le gouvernement vise 4 à 5 milliards d’euros de gains indirects, via l’augmentation du nombre de jours travaillés. En parallèle, il espère envoyer un signal positif à Bruxelles et aux marchés financiers, alors que la France dépasse les seuils européens de déficit.
Mais le coût politique pourrait être élevé : perte de popularité, tensions sociales, grèves… L’Élysée sait que l’automne peut être explosif. À titre de comparaison, les réformes similaires en Allemagne ont mis près de 10 ans à porter leurs fruits, dans un contexte bien différent.
Réformer sans taxer au risque de casser le lien social ?
Le message est clair : travailler plus sans augmenter les prélèvements. C’est le mantra du moment, censé éviter les hausses d’impôts tout en réduisant le déficit. Mais cette logique pose question. Supprimer des jours fériés, c’est aussi grignoter du temps de repos commun, souvent dédié à la famille, au bénévolat, aux fêtes locales ou au patrimoine. Ce n’est donc pas un simple ajustement technique, mais un choix de société.
Nombre d’économistes rappellent que le lien entre jours fériés et productivité n’est pas aussi évident. Et que la santé mentale, le bien-être au travail ou la cohésion sociale dépendent aussi du temps libre partagé.
Une France moins festive mais plus efficace ?
Ce projet de suppression de 2 jours fériés soulève une question de fond : quelle place veut-on donner au travail dans nos vies ? Dans un pays où les jours fériés sont parfois vécus comme des bulles d'oxygène, cette réforme interroge notre rapport au temps, à l’État, à la performance. Peut-on construire une société plus résiliente en comprimant ce qui fait sa respiration collective ?
Cette actualité nous pousse à réfléchir à l’avenir du temps libre : ressource rare et précieuse, qu’on ne mesure pas seulement en euros.